Voilà un petit billet qui vous paraîtra sans doute naïf. Tant pis. Je ne suis pas du tout un spécialiste du livre numérique et c’est peut-être pour cette raison que je me pose la question. Elle vous fera réagir j’imagine. Je ne souhaite aucunement créer une polémique, juste interroger. A vous de me dire si mon interrogation est juste, ou carrément à côté de la plaque !
Bref, voilà. Je vois souvent passer, sur les réseaux sociaux, Facebook, Twitter et autres, de nombreux auteurs qui proposent leur(s) livre(s) numérique(s) à des prix très bas : 0,99 €, 1,99 €, etc. On est ici dans l’ordre du prix symbolique, pour ne pas dire presque la gratuité (hors remises exceptionnelles ou offres de lancement).
À l’heure où la question de la (bonne) rémunération des auteurs interpelle à juste titre beaucoup d’entre nous, j’en viens à m’interroger sur la pertinence de proposer un prix aussi dérisoire pour un livre numérique.
Je vois tout de suite les réponses qui vont fuser : « Oui, bien sûr ! Ainsi, on touche un large public et on participe à la diffusion de la culture. Cela permet de faire connaître nos œuvres à plus de monde. On vend plus ainsi… », etc.
Je comprends tout à fait ces remarques, qui me paraissent tout à fait justifiées. Celle de proposer de la culture à un petit prix et la rendre ainsi accessible au plus grand nombre est un argument qui me touche.
Autant le dire tout de go, le prix du livre papier est beaucoup trop élevé, faute notamment au circuit de diffusion qui accapare une grande partie du prix qu’on paye (un diffuseur-distributeur demandera au moins 50 % du prix du livre pour son travail). Ne reste à l’auteur qu’une portion congrue de quelques pour cents, et là aussi on pourrait reparler de la juste rémunération (mais c’est un autre débat).
Ajoutons également qu’un tarif élevé n’est en aucun cas une marque de qualité (et a fortiori, un prix bas n’est en aucun cas un signe de mauvaise qualité).
La question de la qualité du livre n’a ici pas d’intérêt. Je parle de la valeur intrinsèque du livre et du travail fourni par l’auteur pour pouvoir le proposer à son public. Et ce travail n’est pas des moindres. Il faut du temps pour écrire un roman, quel qu’il soit. Des mois bien souvent. Des interrogations, des doutes, de la relecture, de la réécriture, etc. Faire appel à des prestataires extérieurs le cas échéant. Un travail de longue haleine et qui a un coût (par exemple voir le travail de Ghaan Ima : http://ghaanima.com/finir-livre).
Or, voilà qu’on propose des mois de travail à un prix tout à fait dérisoire. Certes, on ne pourra jamais faire payer un livre par rapport au temps passé par l’auteur pour l’écrire, c’est évident, mais tout de même. Je ne peux m’empêcher de penser par exemple au menuisier qui passe des dizaines d’heures à façonner un meuble et auquel on viendrait dire : « pourquoi tu ne le vends pas à 50 € ? Comme ça tu touches un large public et tu en vendras plus. »
Un prix dérisoire pour des heures et des heures de travail… Bien sûr, on me rétorquera que le menuisier se place dans une logique de productivité et de rentabilité, et il a besoin de matière première qui a un coût, ce que ne fait pas un auteur, car on parle de littérature, et d’art donc. Oui, tout à fait. Le rapprochement est facile.
Malgré tout, j’ai le sentiment qu’on a tendance à « brader » le livre numérique, sous prétexte qu’il ne coûte « rien » à fabriquer (hormis du temps et des compétences), pas de papier, pas de diffuseur comme le livre papier, etc. Je ne dis pas pour autant qu’on doit vendre le livre numérique au même prix que le papier, bien sûr, mais ces prix « bradés » me laissent un arrière-goût un peu amer. Demander 7, 8 ou 9 euros pour un livre numérique, est-ce de trop ? Je ne croule pas sous l’or, loin de là ! mais acheter un livre numérique à 0,99 €, eh bien ça me laisse un sentiment de « brader » l’œuvre, et donc l’auteur. Le sentiment d’acheter « au rabais ». Car il me semble que le livre numérique constituerait un bon moyen pour l’auteur de pouvoir disposer d’une meilleure rémunération sur son travail. Or, si l’on compare 8 % de droits d’auteur sur un livre papier à 20 € HT en édition classique et 35 % sur 2 € pour un livre numérique d’auteur autoédité, quelle est la différence au fond ? Symbolique, car le pourcentage de droits est plus élevé ? Au bout du compte, l’auteur n’est pas mieux rémunéré pour son travail et c’est pourtant quelque part le fond du problème : comment mieux rémunérer les auteurs.
Un livre numérique reste un livre, c’est juste le support qui diffère ; cela justifie-t-il pour autant de le proposer à un prix aussi bas ? L’auteur ne se brade-t-il pas involontairement, juste pour toucher davantage de lecteurs ?
Voilà donc, j’ai le sentiment qu’un prix aussi dérisoire n’est pas un juste reflet du travail fourni par l’auteur.
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