En 2016, j’ai rédigé un petit article recensant bon nombre de pléonasmes courants – en tout cas que je croise fréquemment dans le cadre de mon activité de correcteur.
Au fil de mes corrections, j’ai pu remarquer une certaine tendance à des pléonasmes – involontaires, nous ne parlons pas de figure de style volontaire ici –, à cause de l’emploi redondant d’un adverbe, complétant donc un verbe, et je souhaitais ici attirer votre attention sur ces emplois.
Le rôle de l’adverbe est de préciser ou de modifier le sens d’un mot, bien souvent un verbe, parfois un adjectif ou un autre adverbe. Il a donc un rôle intéressant dans la construction d’une phrase, pour l’affiner, préciser une pensée, etc. Je voudrais insister ici plus en détail sur ceux en –ment et qui sont à l’origine des utilisations pléonastiques notées au fil de mes travaux de correction. Il n’est pas question de dresser ici une liste exhaustive, bien sûr, mais juste d’inviter les auteurs/trices à s’interroger sur le rôle de l’adverbe qu’ils ou elles utilisent, et a fortiori, sur sa pertinence. J’ai souvent la sensation que l’auteur/trice cherche par ce biais à affiner sa pensée, à développer ses phrases, à enjoliver le discours, mais il faut être prudent dans le choix des mots que l’on utilise.
Un exemple vaut mieux qu’un long discours : « claquer violemment la porte ». « Claquer » implique déjà l’idée de violence, on ne claque pas « doucement » une porte. Ici, on sent la volonté d’insister sur le caractère brutal du geste, certes, mais l’adverbe n’a ici aucun rôle hormis celui d’impliquer une redondance, bien inutile, à moins de faire une figure de style volontaire, ce qui n’est pas notre propos dans ce petit billet comme nous l’avons souligné plus haut.
Même remarque sur la construction « caresser doucement ». Là encore, on ne caresse pas de manière brutale (sinon on frotte, on gratte, on frictionne, etc.). L’adverbe est inutile et redondant, même si l’on souhaite faire une emphase sur le côté délicat du geste.
« Examiner attentivement » : le verbe implique en lui-même l’idée de précision (http://www.cnrtl.fr/definition/examiner), de soin. Il est toutefois possible « d’examiner plus en détail » par exemple, ce qui signifie là procéder à un examen encore plus poussé, comme on peut « monter tout en haut » d’une tour, où on précise ici une gradation dans l’élévation.
Même principe avec « détruire totalement », « finir complètement », « mijoter lentement », etc. Tous ces adverbes ne viennent que répéter le sens du verbe, insister inutilement dessus.
Petite digression avec une locution adverbiale « çà et là », dans une construction telle que « les objets éparpillés çà et là ». La locution est inutile, puisque dans « éparpillés », on comprend l’idée que les objets sont répandus un peu partout.
Il y a un adverbe sur lequel je voudrais aussi insister : « littéralement », qu’on emploie un peu à tort et à travers. Littéralement signifie « au sens littéral du mot » ; ainsi, écrire « l’avion a littéralement explosé », cela veut bien dire que l’avion s’est effectivement brisé suite à une explosion. Mais écrire « il a littéralement explosé de colère », là, non, la personne n’a pas « littéralement explosé », sinon la scène serait assez gore… Je crois, comme me l’a fait remarquer une personne sur Twitter (@megalesios que je remercie), que cet emploi tire son origine d’un anglicisme autour du mot « literally », qui tend à recouvrir désormais deux sens, celui de « littéral », mais aussi son contraire un paradoxe ! – « au sens figuré ». Ce n’est pas le cas – encore – en français, alors n’utilisons « littéralement » que lorsqu’il signifie bien « au sens littéral ».
L’adverbe, s’il peut avoir un rôle utile pour affiner et préciser sa pensée, est à manier avec parcimonie et il faut surtout s’interroger sur le sens de la construction qui résulte de son utilisation, afin d’éviter que l’adverbe ne fasse que répéter le verbe. N’hésitez pas en commentaire à noter d’autres exemples que vous auriez croisés ou glanés !